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LNe Champaloux
‘Il était une fois…’ ‘Oh non papa, je veux une vraie histoire, pas un conte!’ ‘Mais ma chérie parfois les vraies histoires commencent aussi par : il était une fois……’ ‘Bon, vas-y alors’, dit ma fille de dix ans en faisant la moue. Ses fossettes lui donnaient un air souriant même quand elle boudait. J’avais une fille adorable et je l’adorais. ‘Je vais te racconter une vraie histoire, lui dis-je, mais c’est un peu dangeureux.’ ‘Oh oui, j’aime quand c’est dangeureux !’ Ses yeux brillaient d’excitation. ‘Donc, commencai-je, il était une fois sur une planète nommée Slator un endroit spécial ou tout pouvait arriver, c’etait une île entourée par un océan de gas liquide. C’était la seule île d’ailleurs. Elle était couverte d’une forêt d’épineux enmêles et tranchants et de lianes prédatrices qui se dressaient comme des réptiles sur leurs racines préhensibles’ Alors que je raccontais l’histoire, le paysage se matérialisa autour de nous, les murs de la chambre disparurent et les lianes se balançaient dangeureusement au dessus de nos têtes. Nous progressions avec peine, les épineux nous écorchaient et les lianes poussaient des tentacules qui se collaient a nos jambes et sucaient le sang. Je continuais mon histoire. ‘Au centre de l’île se dressait une habitation qui ressemblait a s’y meprendre à un hotel de luxe de l’espace tout en coupoles de verre et de pléxibéton gris. Un homme synthétique se tenait devant l’entrée et nous gratifia d’un large sourire découvrant ses dents métalliques. Son costume etait rouge et gris piquetté par-ci par-la de galons dorés. Ses cheveux bleus etaient tressés de papillottes. ‘Bienvenue au centre de l’aventure et du rêve, chers visiteurs de la terre.’ Nous sommes entrés propulsés avec force par l’homme aux dents de fer. Je tenais Carla, ma fille, par la main. De charmantes créatures nous acceuillirent en chantonnant cette vielle chanson de l’ «allouette, gentille allouette je te plumerai… » Ces créatures étaient des petits singes aux visages d’enfants angéliques. Ils nous entourèrent en chantant , « je te plumerais les ailes » puis ils grimpèrent sur nos têtes s’accrochant à nos vêtements et leur petites dents pointues commencèrent a nous lacérer la peau. ça commencait bien. Je me demandais si je ne ferais pas mieux d’arrêter, mais Carla me dit : ‘C’est tres excitant, continuons!’ Des balafres couvraient ses bras, souvenir des epineux, et une partie de son oreille tombait en morceaux, mais toute à son excitation de la découverte elle n’y prêtait pas attention. Quant a moi, les singes avaient réussi a m’arracher quelques morceaux de chair et mes jambes étaient profondément entamées. Nous vîmes plus loin une petite patinoire couverte d’une glace d’un bleu transparent et nous nous mîmes a evoluer en arabesques gracieuses au son d’une musique enchanteresse. Les gouttes de sang coulant de nos blessures dessinèrent des motifs originaux non depourvus de vigueur et nous nous décidames d’exposer notre œuvre dans la galerie suivante sous le titre ; « charmes d’une aventure impromptue ». L’espace suivant était une fournaise d’un feu devastateur a moitié gelé et nous le traversâmes a tout allure en y laissant une grande partie de notre chair. Je regardais Carla, ses fossettes avaient disparu et son visage avait maintenant le poli de l’ivoire. Une armée d’hommes préhistoriques se précipita à notre rencontre et commença à nous marteller avec des massues en silex. Nous essayions de nous protéger avec nos bras et je regrettais d’avoir entraîné ma fille dans cette histoire plus vraie que vrai. Quand ces primates à l’odeur de charogne partirent en poussant des grognements de satisfaction après nous avoir sucé la moelle, j’ai eu quelque peine a rassembler mes os et ceux de Carla, puis de traverser la forêt d’epineux, qui, a vrai dire, ne nous faisait plus aucun mal, pour nous retrouver finalement a la maison. Je mis ma fille très handicapée, mais souriante, dans le régénérateur de particules et j’allongai mes restes a coté d’elle. Une heure plus tard nous étions tout frais et tout neufs avec cependant quelques changements, car certainement quelques os mineurs que j’avais ramassé ne devaient pas nous appartenir. Carla avait maintenant des cheveux de blé mur et une charmante petite queue d’oppossum, quant a moi je me retrouvais avec de grands yeux langoureux de star galactique et des moustaches de tigre. ‘C’était super, me dit ma fille cherie, tu vois papa les histoires vraies c’est ce qu’il y a de mieux !’
Copyright Helen Champaloux |